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BAC : Une Baisse des taux de réussite de 52% en 2022/2023 à 48% cette année, Causes de cette Contre-performance ?

BAC : Une Baisse des taux de réussite de 52% en 2022/2023 à 48% cette année, Causes de cette Contre-performance ?

Cette année, la session normale du Baccalauréat général s’est déroulée dans des conditions d’organisation et de déroulement inhabituelles et les résultats ont été positivement ou négativement impactés directement et indirectement par lesdites conditions. Rappelons que la session précédente, 2022/2023, avait enregistré un taux national de réussite de 52%, contre 48% cette année. Qu’est-ce qui explique cette contre-performance si nous savons que 2024 est une année relativement stable, en terme de mouvements d’humeur des organisations syndicales, sauf quelques remous sporadiques liés au contexte préélectoral qu’a connu le pays?
Qui peuvent être impliqués dans ces contre-performances des élèves ?
L’Etat ? Les enseignants ? La société ? Les parents d’élèves ?

Commençons par montrer le niveau d’implication de notre société sur les résultats scolaires
L’enfant est d’abord le produit de son milieu. Ce qui laisse entendre qu’il est largement influencé par ce dernier. Or, nos sociétés d’aujourd’hui, celle sénégalaise en particulier, semble être radicalement métamorphosée, transformée par un certain nombre de facteurs à la fois exogènes et endogènes.

En ce qui concerne les influences extérieures la société sénégalaise n’est plus la même, elle est déchirée par l’héritage occidental et arabo-musulman qui la disloque facilement du fait de l’assimilation parfaite du legs colonial. Les autres sociétés africaines, où la colonisation et ses attributs ne sont pas trop ressentis comme effets actifs d’acculturation, ont plus ou moins conservé et préservé quelques uns de leurs patrimoines historiques et immatériels. Si nous avons quelques valeurs qui nous restent et dont nous pouvons aujourd’hui nous prévaloir, c’est bien l’héritage culturel solidement ancré grâce à l’action de certaines confréries religieuses et de certaines communautés ethniques fortement conservatrices.

Notre société n’étant plus la même, elle regarde l’occident comme un modèle, une référence dont les habitudes, les attitudes et les aptitudes sont un ensemble de valeurs à singer pour être civilisée. Ce qui justifie le désamour avec nos valeurs, le temps perdu sur le petit écran, sur l’internet et les réseaux sociaux pour un illusoire mieux-être. Ce faisant, le modèle de réussite n’étant plus nos modèles, mais ceux qui, par la magie des images, paraissent être parce qu’ils ont.

Autrement dit, l’avoir généré par le capitalisme et le libéralisme prennent le dessus sur l’être qui, passif, silencieux et inefficace, n’a aucun pouvoir, aucune influence. La transformation et la domination du monde, comme le prédisait le philosophe Français René Descartes, nécessite la mise à disposition du matériel au détriment de l’immatériel, de l’avoir au grand dam de l’être. D’où le besoin de la richesse et de l’accumulation au lieu de l’ascétisme, de la sobriété et de la frugalité.

Voilà ce qui fait que notre école ne fait plus rêver car elle n’est plus vue comme un havre de réussie sociale encore moins comme un espace d’ascèse, d’équilibre et de justice sociale. Le droit est aujourd’hui dit en faveur des plus fortunés, de ceux qui ont un rang et une position socialement et économiquement valorisés où de faux dévots manipulateurs, conspirateurs et pourfendeurs de vérité et d’orthodoxie dictent leur loi. Ce qui, malheureusement, exacerbe le sentiment d’anomie et de déréliction, engendrant en conséquence, la délinquance, le gangstérisme, le banditisme et la violence.

L’autre pan de la communauté, indigent et insoucieux, se livre avec extravagance aux folklores tels que la lutte violente, la musique aux sonorités obscènes et la danse aux chorégraphies endiablées ou érotiques. Ce sont ces catégories de personnages qui influencent négativement les jeunes au point de laisser dans leurs habitudes et pratiques routinières des stigmates comportementaux indélébiles. Car le jeu et toutes les activités ludiques connexes sont plus sensibles et plus prompts à influencer activement le développement cognitif de l’enfant. C’est tellement vrai que la pédagogie, qui est l’ensemble des pratiques, des méthodes et des théories qui s’appliquent à l’éducation et à l’enseignement, donne une importance capitale à l’apprentissage par le jeu. Les activités ludiques et interactives sont donc utilisées pour faciliter l’acquisition des connaissances, des compétences et des valeurs chez les apprenants. Cette méthode éducative repose sur le principe que les enfants (et même les adultes) apprennent mieux lorsqu’ils sont activement engagés ans des activités amusantes et stimulantes.

Voilà autant de facteurs qui font que la société a une responsabilité non négligeable dans la chute vertigineuse du niveau des apprenants. On nous parle de prospective (ensemble de recherches concernant l’évolution future des sociétés et permettant de dégager des éléments de prévision. C’est aussi la futurologie) et de sociétés en mutations permanentes, mais ce que nous ne devrions jamais perdre de vue, c’est que tout progrès n’est pas nécessairement positif. Dans le Discours sur l’origine et les fondements d l’inégalité parmi les hommes, le citoyen de Genève, Jean Jacques Rousseau, nous explique de fort belle manière comment le progrès des Arts et des Lettres peut constituer la décadence des valeurs morales et éthiques.

De cette responsabilité de la société sur les contre-performances des élèves, on déduit directement celle des parents. En effet, les parents, étant les acteurs majeurs du processus éducationnel car occupant une place déterminante au niveau des instances de socialisation telles que l’école et la famille, influencent considérablement leurs enfants.

Certains d’entre eux, comme pour feindre l’occidentalisation et s‘affubler des airs de la modernité, n’osent plus morigéner ou réprimander leurs enfants. Ils les cajolent et les consolent quelques graves dégâts puissent-ils faire. D’autres, trop mous ou dociles envers leurs épouses, abdiquent devant l’éducation des leurs. Platon, philosophe grec (-428/-348), en bon visionnaire tenait dans sa République, les propos dont la teneur est plus que d’actualité : 

« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les parents ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maitres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie ». En d’autres termes, puisque, comme l’a dit Aristote, « la nature a horreur du vide », la démission irresponsable des parents justifiée par des considérations conjoncturelles et civilisationnelles a amené les enfants à être maitres d’eux-mêmes ou à chercher comme modèles d’autres figures exogènes virtuellement plus proches. C’est ce qui fait que l’internet et les réseaux sociaux marquent leurs effets pervers sur le devenir et la personnalité des enfants.

Toutefois, même si la société et les parents d’élèves ont une responsabilité énorme sur la baisse de niveau de nos potaches, ils ne sont pas les seuls, les syndicats aussi s’illustrent dur ce tableau sombre de notre système éducatif.

La responsabilité des syndicats dans la baisse de niveau des élèves
C’est devenu un secret de polichinelle que de dire que les syndicats qui sont dans le secteur de l’éducation sont très nombreux. En effet, ce nombre est dû aux intérêts divergents de leurs leaders. Chacun veut singulièrement jouir des privilèges et des check-offs glanés de la base. Même si l’objectif de toute organisation syndicale reste le même, la défense des intérêts matériels et moraux de ses travailleurs, les dirigeants syndicaux refusent d’entendre le cri de cœur des enseignants de la base qui les appellent à l’unité.

A cause de cela, ils se sont tellement émiettés qu’ils essaiment dans le secteur au grand dam des enseignants dont l’intérêt se trouve dans la création d’un seul et unique syndicat. L’Etat, conscient de leurs divergences et de leurs intérêts antagonistes, profite de leurs désaccords pour mieux alimenter la division. C’est ainsi qu’il organise des élections de représentativité pour continuer à les diviser et à mieux les exploiter au besoin.

Du coup, ceux qui sont invités à la table de négociation se sentent fiers et se gaussent des autres qui n’y sont pas invités pour cause de représentativité. Ces derniers tirent sur les brancards et voient leurs protagonistes comme des adversaires qui conspirent avec l’Etat. Cette situation creuse le fossé entre les enseignants et accentue leurs divergences. Un autre fait marquant est qu’à cause de leur nombre ou de leur représentativité, ils imposent la dictature de la majorité par laquelle, ils tordent le bras à l’Etat en lui faisant accepter des points revendicatifs plus ou moins illégitimes.

C’est-à-dire, qu’il leur arrive par des menaces et des mouvements d’humeur entachant la stabilité de l’école, de faire plier l’Etat. Ces compromis consentis par la tutelle et la pression à laquelle l’Etat cède sont souvent sentis comme une injustice par d’autres franges des enseignants. Ils peuvent avoir un impact négatif sur les performances des élèves.

Des enseignants qui n’ont aucun niveau car n’ayant même pas été préalablement formés et qu’on largue tels des parachutistes dans le système ou qui, grâce à l’effet du nombre, sont enrôlés de force. Cette pluralité des syndicats fait qu’ils sont aussi frileux que capricieux. Pour un petit détail égratignant leurs humeurs sensibles ils décrètent un mot d’ordre de grève. Ceci impacte dangereusement le quantum horaire.

Les enseignants aussi occupent une très grande place dans cette responsabilité sur le niveau lamentable des élèves.
La responsabilité des enseignants sur le niveau des apprenants suscite deux niveaux d’implication. Une implication passive et une implication active.

L’implication passive met en relief la non formation des enseignants. Beaucoup d’enseignants, sans qualification professionnelle, juste avec un diplôme académique, BFEM, BAC, LICENCE MAITRISE ou MASTER, sont directement affectés et mis en contact direct avec les élève, sans notions pédagogiques et didactiques.

Autres éléments constituant une responsabilité passive des enseignants, c’est l’enclavement de leurs lieux de service rendant presque difficile ou impossible toute participation aux cellules pédagogiques, si nous savons que les cellules d’animation pédagogique constituent des intrants pédagogiques très productifs. La précarité ou l’insuffisance des moyens matériels, logistiques et financiers amène les enseignants à etre démotivés, démoralisés et improductifs. Cette situation fait que la plupart d’entre eux tentent l’aventure dans des embarcations de fortune ou, même s’ils restent, considèrent l’enseignement comme une sinécure, un lieu ou on est payé à ne rien faire.

L’implication active des enseignants se mesure à l’aune de leur manque de volonté, à la triche et au farniente. Beaucoup d’enseignants sont ceux qui ne préparent pas leurs leçons sous le fallacieux prétexte qu’ils sont expérimentés et que par ricochet, ils n’ont plus rien à prouver ou rien à apprendre. C’est faux. L’enseignant ne cessera jamais d’apprendre en vue de mieux dominer sa matière. Jean Jaurès dit à cet effet, « on n’enseigne pas ce qu’on est, on enseigne ce qu’on sait ».

Et Gustave Le Bon de renchérir : « La meilleure leçon du maitre se passe loin du tableau noir. Et si les occasions de donner cette leçon sont multiples, l’on peut sans risque de se tromper penser aux moments consacrés à la préparation ». Autrement dit, la préparation joue un rôle capital dans la pratique de classe, et ne pas le savoir, c’est s’interdire volontiers de remplir sa fonction d’enseignant.

Certains enseignants moins consciencieux, prolongent les récréations dans les palabres ou dans les salles des professeurs en compagnie du thé. D’autres se livrent à leurs petits commerces de tissus, de parfums, de chaussures ou s’adonnent à l’organisation de tontines hebdomadaire, mensuelle ou même annuelle. Tout cela au mépris total des intérêts d’apprentissage des élèves.

La plus grande responsabilité sur la baisse de niveau doit être imputée à l’Etat
C’est l’Etat du Sénégal, à travers la loi 91-22 du 16 février 1991 portant orientation de l’éducation nationale, qui définit les politiques éducatives.

Ainsi, c’est à lui qu’il revient la prérogative de fixer et de déterminer clairement les finalités éducation de manière à ce que celles-ci soient adéquates et répondent aux besoins et aux types de sénégalais dont on a besoin. Malheureusement, le fossé est jusque-là énorme entre les textes et la réalité. D’abord on ne sent pas une réelle adéquation entre les objectifs et les programmes qui, selon certains spécialistes et techniciens de l’éducation, semblent être inadaptés à nos réalités socioculturelles d’où un plaidoyer fort pour l’actualisation et la réadaptation des contenus d’enseignement apprentissage et des programmes.

Ensuite, au niveau de la formation, du recrutement et de l’affectation, l’Etat traine toujours les pas. Les enseignants ne sont pas suffisamment formés en amont, les formations à distance ou diplômantes semblent être de la charrue avant les bœufs ou des coquilles vides. Beaucoup d’enseignants exercent plusieurs années leurs métiers sur des élèves qu’ils prennent comme des cobayes avant de bénéficier de formation qualifiantes. Le temps de la formation à la FASTEF ou aux CRFPE n’est pas suffisant.

C’est une formation fast-track. Ce problème se justifie soit par l’Etat qui lésine sur les moyens soit par la mauvaise utilisation des ressources financières qui doivent accompagner ces formations parce qu’elles sont englouties par des séminaires, des colloques ou autres activités intellectuelles où ce sont les techniciens et les spécialistes du secteur qui bouffent l’argent des bailleurs de fonds.

Les autorités déconcentrées aussi, dans leur pilotage, ont une large responsabilité surtout au niveau du management, du pilotage, du contrôle et des stratégies de mise en œuvre des programmes et des contenus d’enseignement apprentissage. Les compositions et les évaluations harmonisées dénommées « PHARES » sont mal organisées et impactent négativement le quantum horaire.

Si par exemple, vous prenez un établissement d’enseignement secondaire comme le lycée Demba Diop de Mbour dont la population scolaire dépasse largement les 6.000.000 élèves, il une semaine entière, du lundi au samedi pour faire composer les élèves de terminale. Au même moment, les classes intermédiaires (secondes et premières) attendent.

La semaine suivante, c’est au tour des élèves de secondes et de premières de composer pendant que les terminales vaquent à leur tour. Ce qui fait 15 jours de vacances pour les classes de terminales. Du coup, on perd ainsi 15 jours fois 3, rien que pour les évaluations harmonisées. Les ressources humaines sont mal gérées avec un clientélisme et un népotisme exagéré qui frise une gestion éthique et rationnelle des hommes.

Il suffit juste de faire 5 ans d’enseignement pour se dire doyen ou doyenne et demander à être muté aux surveillances ou aux IEFs considérées comme de la sinécure. Il y a trop de personnel errant dans les IA, IEF, collèges et lycées. L’utilisation rationnelle de ce personnel payé à ne rien faire permettrait non seulement de rationnaliser les finances de l’Etat, mais aussi de résorber le gabe norme des écoles en manque d’enseignants.

Les sources de financements de l’école que constituent les bailleurs de fonds aussi occupent une place sur la chaine des responsabilités. En effet, les dons, les aides et les financements destinés à l’école sont un ensemble de ressources qui sont assujetties à un certain nombre de conditionnements. Elles s’impliquent dans la définition des programmes et contenus en rapports avec les intérêts et les politiques publiques des pays donateurs. Ce qui laisse entendre que nos programmes d’éducation peuvent ne pas forcément répondre à nos besoins et nos réalités, d’où le problème de souveraineté.

Proposition de solutions

A la fin de notre analyse nous retenons que le mal qui gangrène l’école sénégalaise est aussi profond qu’endémique.

A tous les niveaux de responsabilités on voit des manquements conjoncturels et structurels graves qui nécessitent des mesures urgentes pour sauver ce qui reste à être sauvé si véritablement il y en a.

D’abord, il faut une prise de conscience collective qui amène les parents et la société à savoir raison gardée, à confier entièrement leurs enfants à l’école et à faire recours aux valeurs positives qui faisaient notre identité commune et dont se reconnaissaient des hommes et des femmes de valeurs qui ont marqué notre vraie histoire. Cela requiert un enseignement proprement nôtre qui part de ce qui fait la personnalité sénégalaise et, au-delà, africaine. Je sous-entends ici, entre autres mesures, l’introduction des langues, des jeux et des sports nationaux dès les petites classes.

Pour ce faire, les autorités politiques à qui il incombe la lourde mission de définir la politique éducative doivent s’armer de courage et de volonté pour une véritable souveraineté historique et identitaire. Si tous ces préalables sont satisfaits, il reviendra à l’Etat de prendre drastiquement ses responsabilités pour d’abord recruter les enseignants, les former et les affecter rationnellement partout où le besoin se fera sentir. Après cela, il sera du devoir de ces derniers de se regrouper en un seul et unique syndical des enseignants dont l’unique but sera de les servir en défendant leurs intérêts matériels et moraux au lieu de se servir d’eux en préservant leurs intérêts crypto- personnels en tant que leaders au détriment de la base.

De la sorte, non seulement l’Etat n’aura plus besoin de les amadouer ou de les berner avec des appels aux syndicats les plus représentatifs, car, d’abord il les aura mis dans des conditions optimales de travail et de vie où ils n’auront plus besoin d’observer les fuites de cerveaux ou d’aller en grèves, ou encore d’abandonner leur école au profit du privé, ou de s’adonner aux petits commerces dans la cour ou dans la salle des profs, ensuite, il n’y aura plus de syndicats rivaux.

Ces politiques bien appliquées, l’Etat formera les administrateurs scolaires et veillera à la gestion rationnelle et démocratique du personnel. Il faut aussi, pour que tout cela ait des effets probants, que l’Etat renforce les pouvoirs de l’enseignant sur l’élève. Il lui sera permis de corriger sévèrement l’apprenant sans courir le risque d’être attrait en justice par ce dernier ou par ses parents.

Il faut aussi penser à la mise en place de mécanismes endogènes de recherche fonds autonomes et souverains pour un financement libre de notre école en vue d’une souveraineté réelle et effective.

C’est, en mon humble avis, les mesures urgentes et obligatoires qu’il faut prendre pour que l’école sénégalaise puisse reprendre son lustre d’antan.

NB : Il est une demande nationale que l’Etat ré-ouvre le prestigieux concours des Normaliens-Instituteurs d’où sortent les meilleurs enseignants de l’école sénégalaise.

Amadou Ciré SY

Professeur de Philosophie

Au Lycée Demba Diop

Mbour

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